Pêches sentinelles – Contexte
L’objectif principal du programme des pêches sentinelles est de développer des séries temporelles d’indices d’abondance qui puissent être utilisées dans le cadre du processus d’évaluation des stocks de morue. Le programme des pêches sentinelles du nord du golfe Saint-Laurent est le premier de la côte Atlantique à être incorporé dans l’analyse qui permet d’évaluer l’abondance du stock. Depuis 1998, quatre des cinq indices d’abondance provenant des zones 3Pn et 4RS sont du programme des pêches sentinelles et sont utilisés pour calibrer l’évaluation de ce stock.
Il existe une multitude de moyens pour établir des indices d’abondance. C’est d’ailleurs pourquoi toutes les pêches sentinelles qui ont été développées sur la côte Atlantique ne sont pas identiques. Elles ont été développées en collaboration avec des associations de pêcheurs pour adresser certaines questions de façon spécifiques. Ce site se concentre à détailler les aspects uniques des pêches sentinelles pour la morue du nord du Golfe du Saint-Laurent.
Historique
Au début des années 1990, l’abondance de morues de la côte atlantique canadienne a diminué de façon importante au point où le Gouvernement fédéral a dû instaurer des moratoires à la pêche commerciale. Les principaux facteurs mis en cause sont la surpêche, de mauvaises conditions environnementales, l’augmentation de la population de phoques, et les surestimations de l’abondance de la morue. Cette fermeture de la pêche a résulté en un manque d’information sur les tendances du stock. Le Conseil pour la conservation de ressources halieutiques (CCRH) a donc recommandé la mise en place de programmes sentinelles pour impliquer certains pêcheurs à suivre l’évolution des stocks de morue. Le programme a été instauré à l’automne 1994, ce qui correspond à la première année du moratoire à la pêche de la morue du nord du Golfe Saint-Laurent (3Pn, 4RS).
Revue du programme des pêches sentinelles
Après huit ans de réalisations, tous les programmes des pêches sentinelles de la côte Atlantique ont été revus en novembre 2001. Comme les problématiques concernant la morue étaient différentes selon les régions et qu’il fallait impliquer l’industrie dans l’élaboration des programmes, ceux-ci n’ont pas tous évolué de la même façon. L’objectif principal était néanmoins le même dans toutes les régions, c’est-à-dire de développer des indices d’abondance pour les divers stocks de morues de la côte Atlantique en impliquant l’industrie dans des activités de pêche contrôlées.
La revue du programme a considéré les points suivants :
- Un inventaire des divers programmes
- L’ approche régionale de la structure des programmes
- La quantité et la qualité des données
- Le traitement des données
- Les autres espèces et la recherche
- L’ efficacité et les coûts bénéfices
- La perception de l’industrie vis-à-vis le programme des pêches sentinelles
- Le futur du programme des pêches sentinelles
Pour en savoir plus, vous référer au compte-rendu .
Pour la morue du nord du Golfe du Saint-Laurent (3Pn, 4RS), il est devenu apparent qu’il y avait sur échantillonnage et que la même qualité d’information pouvait être atteinte en réduisant certaines activités et le financement tout en maintenant l’intégrité des séries temporelles. Ainsi, pour le programme sentinelle par engins fixes (filets maillants et palangres), le nombre de sites a été réduit de 48 à 32 (33%). Pour ce qui est des relevés stratifiés aléatoires fait par chalutage, ils sont passés de deux relevés annuels (un en juillet et un autre en octobre) à un seul soit celui de juillet. Cette optimisation du programme des pêches sentinelles mise en place en 2003 a permis de faire des économies de l’ordre de $557,000 soit 34% du budget initial qui se situait à $1,621,000. Depuis 2003, le budget annuel du programme des pêches sentinelles du nord du Golfe (3Pn, 4RS) est de l’ordre de $1,064,000.
Les économies effectuées dans la région du nord du Golfe dans le cadre de la revue du programme des pêches sentinelles sont demeurées disponibles à l’industrie de la région afin de financer de nouvelles initiatives de recherches sur les espèces marines; il s’agit des programmes de collaboration en sciences halieutiques (PCSH). Le programme des pêches sentinelles ainsi que le PCSH recevront un financement stable pour trois ans (années fiscales 2003 à 2006).
Ampleur du projet
Au lancement du programme en 1994, les pêcheurs participant ont dû suivre une formation générale assurée par l’Université Memorial de St. John’s et par le Centre spécialisé des pêches de Grande-Rivière. De plus, chaque pêcheur reçoit une formation spécifique reliée aux protocoles d’échantillonnage des pêches sentinelles, qui est donnée par le personnel de Pêches et des Océans et les coordonnateurs de projet. Également, nous visons à conserver les mêmes pêcheurs à chaque année car ceci minimise les risques d’erreur, assure une implication grandissante de la part des pêcheurs, permet une qualité optimale du travail et facilite le retour de l’information récoltée.
La couverture spatiale est considérable, chaque année, on peut s’attendre à avoir environ 900 sorties de pêche d’une journée pour les engins fixes (voir sur la carte ci-dessous, les positions pour les activités réalisées en 2003) et environ 300 traits de pêche au chalut.
Les pêches sentinelles, sur la Côte-Ouest de Terre-Neuve et du Labrador, impliquent 21 sites de pêche qui sont répartis le long de la côte entre Red Bay et Grand Bruit alors que 11 sites de pêche se distribuent sur la Basse Côte-Nord du Québec à partir de Sept-Îles jusqu’à Lourdes-de-Blanc-Sablon. Les chalutiers effectuent un relevé de pêche sentinelle par année au début de juillet. À Terre-Neuve, 5 navires sont nécessaires pour couvrir l’ensemble des zones 3Pn et 4R tandis qu’au Québec, 4 bateaux se partagent les zones 4S et le nord de 4T.
Protocoles
Les protocoles sont différents selon le type d’engin utilisé (fixes ou mobiles). Pour les engins fixes (palangres, filets maillants), le savoir traditionnel des pêcheurs côtiers est respecté. Ainsi, ils pêchent à raison de trois jours par semaine pendant 13 semaines à leurs sites de pêche avec des engins de pêche traditionnels et à des dates traditionnelles. Ces trois journées d’activité de pêche sont financées exclusivement par le programme des pêches sentinelles. Toutefois, certains critères doivent être respectés dont le temps d’immersion.
Pour les engins mobiles, leurs activités sont similaires au relevé scientifique que le personnel de Pêches et des Océans fait annuellement à bord du NGCC Teleost. C’est-à-dire qu’ils suivent un plan d’échantillonnage dit «stratifié aléatoire». Cette méthode divise la zone à échantillonner (le nord du Golfe Saint-Laurent ) selon la profondeur. Ce paramètre (profondeur) a été choisi car il est le plus susceptible d’influencer la distribution de la morue. Ainsi, des strates sont identifiées de : 20 – 50 brasses1, 51 – 100 brasses, 101 – 150 brasses, 151 – 200 brasses et 201 brasses et plus. Les chalutiers doivent effectuer à chacune des stations sélectionnées pour une profondeur déterminée, un trait de chalut d’une durée maximale de 30 minutes à une vitesse de touage de 2,5 noeuds2. Un trait d’une durée minimum de 15 minutes est exigé pour que l’activité de pêche soit significative. Neuf chalutiers effectuent un relevé en juillet. Pour ce relevé, 300 traits de pêche sont effectués à des stations prédéterminées qui couvrent l’ensemble du territoire. Un seul type de chalut est utilisé par ces 9 bateaux. Ils ont été calibrés afin d’échantillonner la même surface à chaque trait. Les chaluts sont tous doublés d’un fin maillage qui permet de capturer des individus aussi jeunes que un an (~7 cm). Cette situation oblige la présence d’observateurs en tout temps à bord des navires lors des relevés par chalutage. BIOREX au Québec et SEAWATCH à Terre-Neuve s’occupent de fournir les observateurs qui se retrouvent à bord des bateaux de pêche.
1: 1 brasse = 1,8284 mètres = 6 pieds.
2: 1 noeud = 1,85 km/h = 1,15 mph.
Le travail de base pour les pêcheurs est de :
- remplir un livre de bord qui décrit l’engin de pêche utilisé, l’effort de pêche, le site de pêche et le poids total de chaque espèce capturée;
- mesurer la taille des poissons capturés.
À cela se greffent de nombreuses initiatives :
- récolte d’otolithes pour connaître l’âge des poissons ;
- récolte d’estomacs pour connaître l’alimentation des poissons ;
- échantillonnage de morues entières pour évaluer la condition des individus ;
- déploiement de sondes à température pour connaître l’habitat des poissons ;
- programme de marquage pour mieux comprendre les migrations et évaluer la pression de la pêche ;
- échantillonnage ponctuel pour répondre à des besoins spécifiques de chercheurs (vertèbres, échantillons de sang…) ;
- marquage du flétan Atlantique ;
- prises accidentelles de mammifères marins ;
- échantillons de harengs et de capelans pour analyses à l’Institut Maurice-Lamontagne (IML).
Les pêches sentinelles ont permis de faire des analyses particulières :
- effet du temps d’immersion des engins fixes sur les taux de captures ;
- effet de la saturation des engins fixes sur les taux de captures ;
- analyses sur le chevauchement des relevés par chalutage et des pêches par engins fixes en juillet et octobre ;
- étude de sélectivité entre les filets maillants de 5½ po. (140 mm) et 6 po (152 mm) ;
- étude de sélectivité entre des palangres utilisant des hameçons traditionnels (J #16) et des hameçons circulaires (C #12) ;
- mélanges des stocks ;
- évaluation de la mortalité due au marquage ;
- sujets de thèses pour des étudiants gradués (indices de diversité, effets environnementaux sur les taux de captures des engins fixes).
Remerciements
Nous tenons à remercier tous les promoteurs, coordonnateurs, pêcheurs et observateurs impliqués dans le programme des pêches sentinelles pour leur dévouement et leurs efforts pour faire du programme un véritable succès. Nous remercions aussi le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH) pour leur endossement et leur ouverture au programme des pêches sentinelles.
Un partenariat entre les pêcheurs et les scientifiques de Pêches et Océans Canada