Pêches sentinelles - Flétan de l'Atlantique
Historique
Bien que le flétan soit aujourd’hui le plus prisé des poissons plats du nord-ouest de l’Atlantique, il fut un temps où il était peu en demande, et même considéré comme une espèce nuisible.
Avant la fin du 19e siècle, la chair du flétan n’était pas très estimée des pêcheurs canadiens. L’histoire de son exploitation avant cette époque est principalement liée aux pêcheurs des États-Unis et, même dans ce pays, ce n’était pas un poisson populaire avant le premier quart du 19e siècle.
Suite à la demande du marché de Boston, au début des années 1820, l’exploitation du flétan a commencé pour de bon dans la région de Cape Cod et de la baie de Massachusetts. Les taux de capture étaient très élevés au début mais, dans les années 1830, le nombre de flétan pris dans ce secteur a rapidement diminué. Cette époque a donc vu les débuts de la pêche du flétan en haute mer, avec l’exploitation du Banc de Georges et des hauts-fonds de Nantucket, jusqu’à ce que les prises commencent à décroître dans le années 1850. De là, la pêche s’est étendue dans les eaux canadiennes, d’abord dans le secteur du Banc Brown puis, graduellement, dans d’autres régions.
On a peu de renseignements sur les toutes premières étapes de la participation du Canada à la pêche du flétan; par contre, on possède des écrits datant du début des années 1900 jusqu’à nos jours.
Description
Le flétan de l’Atlantique (Hippoglossus hippoglossus) est le plus gros des poissons plats, atteignant une longueur de 2,5 m et un poids de plus de 300 kg. Il appartient à la famille des pleuronectes, dont les individus ont habituellement les yeux du côté droit du corps, le côté gauche étant complètement aveugle. C’est un poisson fortement comprimé (aplati d’un côté à l’autre), qui nage le côté gauche face au fond et le côté droit, ou côté oculaire tourné vers la surface.
Le flétan n’est coloré que de ce côté (droit) et sa teinte varie du brun verdâtre au marron très foncé. Le côté aveugle est habituellement blanc chez les jeunes, mais devient tacheté de gris ou même de rouge cerise chez les spécimens plus âgés et plus gros. La bouche, très grande, s’étend jusque vis-à-vis du milieu des yeux et est pourvue de nombreuses dents incurvées et bien affilées. Outre sa taille, le flétan de l’Atlantique se distingue de la plupart des autres poissons plats par sa queue concave.
Cycle biologique
Le flétan fraie entre février et mai dans les eaux dont la profondeur varie entre 700 m et 1000 m, sur un fond composé d’argile ou de boue molle. Les femelles matures de grande taille peuvent pondre plusieurs millions d’œufs durant la saison de frai. Il n’existe pas beaucoup d’étude sur la fécondité du flétan, mais on rapporte le cas d’une femelle de 91 kg contenant plus de 2 millions d’œufs. on n’a pas encore observé en détail le comportement du flétan au temps du frai. Les œufs fertilisés et en croissance flottent librement dans l’eau; on les trouve le plus souvent à des profondeurs de 300 m à 400 m, bien qu’on en ait cueilli dans aussi peu que 50 m d’eau et à des profondeurs de 700 m.
Les œufs éclosent en 16 jours environ (à une température d’incubation de 6°C), donnant naissance à une larve (poisson nouvellement éclos) mesurant de 6mm à 7 mm de longueur. Après ce premier stade de croissance, la larve commence à se nourrir de petits organismes planctoniques.
Jusqu’à ce qu’elle atteigne une longueur de 16 mm à 20 mm, la larve du flétan ressemble assez aux larves de la plupart des autres poissons marins, c’est-à-dire, qu’elle nage le ventre face au fond et a un œil de chaque côté de la tête. C’est à ce stade cependant que l’œil gauche commence à se déplacer vers le côté droit, en passant par le sommet de la tête. Cette migration se poursuit jusqu’à ce que l’œil se trouve complètement du côté droit, au moment où la larve mesure environ 44 mm. Lorsque les jeunes atteignent une longueur de 50mm ou plus, ils semblent vouloir vivre sur le fond, comme les poissons adultes. Après s’être adaptés au fond, ils commencent une lente migration des eaux peu profondes des bancs aux eaux plus profondes du talus continental ou des fjords.
À partir du moment où il s’établit sur le fond marin jusqu’à celui où il atteint la maturité sexuelle, le flétan passe d’une longueur de moins de 10 cm à environ 1 m. durant cette période de croissance relativement rapide, nous savons qu’il traverse plusieurs phases d’alimentation distinctes. Jusqu’à 30 cm, il se nourrit presque exclusivement de vers et de crustacés. Par la suite et jusqu’à environ 80 cm, son régime se compose d’un mélange d’invertébrés et de poisson. Le flétan supérieur à 80 cm se nourrit presque exclusivement d’autres poissons, notamment de sébaste, de morue, d’aiglefin et de poule de mer.
Dans les eaux canadiennes, la femelle atteint la maturité entre 70 cm et 115 cm, et le mâle, entre 66 cm et 100 cm. Ces longueurs correspondent à environ 10 ou 12 ans pour les femelles et à 7 ou 11 ans pour les mâles.
Pêche
Au début, on pêchait le flétan dans des eaux relativement peu profondes (40 m à 135 m), au moyen de lignes à main. Ces lignes étaient pourvues d’un hameçon unique, de poids leur permettant d’atteindre le fond et de morceaux de hareng, d’aiglefin ou de morue qui servaient d’appâts. Les pêcheurs promenaient, sur le fond ou juste au-dessus, les lignes placées sur le côté du bateau afin que les minces bandes d’appâts aient l’air de poissons vivants. Une fois le flétan accroché à l’hameçon, il était souvent difficile de le hisser à bord et beaucoup de poissons réussissaient à se libérer.
Lorsque l’exploitation du flétan devint une entreprise plus profitable, on remplaça la ligne à main par la palangre, laquelle est plus efficace. La méthode fondamentale de pêche du flétan n’a pas beaucoup changé depuis ses débuts, dans les années 1840 et 1850. La palangre consiste en une grosse ligne de fond comportant des lignes secondaires un peu plus légères, appelées « avançons ». Attachées à plusieurs mètres d’intervalle. Chaque avançon est muni d’un gros hameçon à flétan et de morceaux d’appâts. La palangre entière, qui comprend plusieurs sections, peut avoir un mille de longueur ou plus. Lors du mouillage, l’engin est ancré à chacune de ses extrémités, et l’on place un balise à l’un des bouts. Après plusieurs heures (ou même quelques jours, selon le temps qu’il fait), on lève l’ancre balisée et l’on hisse la ligne. Au 19e siècle et au début du 20e, le mouillage et le relevage des palangres se faisaient à la main par des équipes de deux hommes pêchant à partir de petits doris appartenant à des bateaux-gigognes.
Les palangriers modernes sont équipés de machines qui réduisent le besoin de main-d’œuvre pour ce qui est du mouillage et du relevage de lignes. Les treuils hydrauliques ont remplacés la force musculaire lorsqu’il s’agit de remonter le poisson de fond, et des matériaux synthétiques plus fort et plus durable ont pris la place du cordage en manille. Toutefois, la flottille de palangriers faisant actuellement la pêche sélective du flétan a diminué. Seulement un petit nombre, rattaché à quelques ports des Maritimes poursuit cette pêche de façon active. Beaucoup de flétans constituent maintenant des prises accidentelles ramenées par des bateaux exploitant d’autres espèces de poissons de fond.
Référence
Adaptation du document : Le flétan de l’Atlantique, par Zwanenburg, K., Coll. Le monde sous-marin, Publié par Communications, Pêches et Océans, Ottawa (Ontario), 8 p. 1984.