Écrevisses du Saint-Laurent - À propos
Les écrevisses constituent un groupe de crustacés d’eau douce important et très diversifié incluant plus de 333 espèces en Amérique du Nord (Olden et al., 2006). Au total, 12 espèces d’écrevisses sont présentes au Canada, dont 8 se trouvent au Québec. Ces dernières appartiennent toutes à la famille des Cambaridés, et sont séparées en deux genres, soit Cambarus et Orconectes. Les espèces indigènes du Québec seraient l’écrevisse des ruisseaux (Cambarus bartonii) et l’écrevisse géante (Cambarus robustus), ainsi que l’écrevisse à rostre caréné (Orconectes propinquus), l’écrevisse obscure (Orconectes obscurus), l’écrevisse marbrée (Orconectes immunis) et l’écrevisse à pinces bleues (Orconectes virilis). Deux autres espèces sont apparues au cours du XXe siècle dans la province, à savoir l’écrevisse à taches rouges (Orconectes rusticus), ainsi que l’écrevisse à épines (Orconectes limosus).
Au sein des systèmes d’eau douce, les écrevisses font partie des espèces dites « clés de voûte » (Creed Jr., 1994; Crandall et al., 2008), c’est-à-dire dont la présence est irremplaçable au sein de leur milieu. Cette place importante est due aux rôles que les écrevisses jouent en tant qu’organismes omnivores, puisqu’elles ont un impact autant sur la végétation aquatique dont elles se nourrissent que sur les communautés d’invertébrés dont elles sont les prédateurs. Elles participent également à la transformation des déchets organiques que l’on trouve dans l’eau douce. Cette place particulière dans le réseau trophique fait des écrevisses une voie de transfert de l’énergie entre les différents niveaux trophiques au sein d’un écosystème (Parkyn et al., 1997; Whitledge et Rabeni, 1997; Parkyn et al., 2001).
De plus, les écrevisses ont un potentiel commercial, soit pour leur consommation dans certains pays (p. ex. USA, France, Espagne, Danemark, Turquie), soit pour leur utilisation en tant qu’appât pour la pêche. Au Québec, deux espèces d’écrevisses sont considérées, en raison de leur taille, comme intéressantes pour la consommation, soit l’écrevisse à pinces bleues et l’écrevisse à épines. Dans le Saint-Laurent, et plus précisément au lac Saint-Pierre, les débarquements d’écrevisses peuvent atteindre 15 à 20 tonnes par année (MAPAQ, 2003). Parmi les faits importants à retenir quant à la pêche des écrevisses dans la province, on note d’une part que l’écrevisse à épines représente 90% des captures, et d’autre part que 30% des captures sont finalement rejetées1, car la mise en marché du produit rencontre d’importants obstacles, tant au niveau de la régularité que de la quantité de l’approvisionnement (MAPAQ, 2003).
Orconectes rusticus
Communément appelée écrevisse à taches rouges. Cette espèce est indigène dans le bassin de la rivière Ohio, mais elle fut introduite dans de nombreux cours d’eau des États-Unis, du Canada et de l’Europe. Dans les systèmes où elle s’établit, l’écrevisse à taches rouges parvient à dépasser ses compétitrices indigènes et à provoquer des déclins de populations proportionnels à la croissance de sa propre population (Lodge et al. 1986). Cette espèce déjà problématique en Amérique du Nord (Olden et al., 2006) a été observée à plusieurs reprises dans la région québécoise de l’Outaouais (Dubé et Desroches, 2007). La potentielle invasion des milieux d’eau douce du Québec par l’écrevisse à taches rouges explique le besoin de connaître et suivre l’état des communautés d’écrevisses le long du corridor fluvial du Saint-Laurent.
Orconectes limosus
O. limosus, ou écrevisse à épines, est une espèce indigène du côté atlantique des États-Unis. Sa présence au Québec peut autant être le résultat d’une introduction que d’une expansion de son aire naturelle. La distribution de l’écrevisse à épines dans le Saint-Laurent suggère que l’arrivée de l’espèce est contemporaine de la construction des barrages Beauharnois, Carillon et Les Cèdres. En effet, même si elle est répartie dans la majeure partie du corridor fluvial, l’espèce n’a pas été observée en amont de ces structures malgré sa capacité à remonter le courant. L’écrevisse à épines a eu des impacts importants sur les espèces indigènes dans les pays d’Europe où elle a été introduite et où elle s’est révélée être une espèce envahissante agressive (Holdich et al., 2009). Selon Hamr (1998), la première observation de l’espèce au Québec s’est faite vers 1970. Cependant, sa présence dans le fleuve a été observée en 1949. Malgré les incertitudes quant aux causes de sa présence dans le Saint-Laurent, il est nécessaire de décrire la répartition de l’écrevisse à épines ainsi que sa place au sein des communautés d’écrevisses du Québec.
Historique du projet
Malgré leur importance dans les écosystèmes d’eau douce, les écrevisses ont fait l’objet de relativement peu d’intérêt scientifique au Québec. À l’échelle canadienne, le seul document de référence existant est celui de Hamr (1998), présentant une brève description morphologique et la répartition géographique des espèces. Lors de sa parution en 1998, le document faisait état de lacunes importantes d’information pour les écrevisses sur le territoire québécois. En 2007, Dubé et Desroches ont publié un ouvrage complémentaire sur les écrevisses du Québec, incluant une clé d’identification. Par contre, les informations sur les communautés d’écrevisses demeurent très fragmentaires, et particulièrement pour le Saint-Laurent, un des plus importants fleuves d’Amérique du Nord. Afin de pallier à ce manque d’information, Environnement Canada a lancé au début des années 2000, le projet de documenter les espèces d’écrevisses présentes dans le fleuve et ses tributaires. Ce projet était en partie aussi justifié par le besoin de faire un suivi de la situation des écrevisses dans le Saint-Laurent, en regard du risque d’invasion et de propagation de deux espèces jugées envahissantes, l’écrevisse à épines et l’écrevisse à taches rouges.
Objectifs et retombées
Le projet a pour objectif d’améliorer les connaissances sur les espèces d’écrevisses au Québec, notamment sur leur répartition le long du corridor fluvial Saint-Laurent. Il a permis de mettre en place une base de données afin de permettre un suivi des communautés d’écrevisses au fil du temps. Le suivi des écrevisses est important d’une part afin de comprendre l’importance relative de l’écrevisse à épines dans les différentes communautés du fleuve, et d’autre part pour détecter l’arrivée potentielle et les impacts de l’écrevisse à taches rouges, une espèce envahissante.
Description du contenu de la base de données
Cette base de données comprend, pour chaque espèce :
- La date de l’observation
- Le nom de la station
- L’emplacement (latitude et longitude)
- L’agence responsable de l’observation
- L’engin utilisé pour la récolte
- L’espèce
- Le nombre d’écrevisses
- Le type de substrat2 où a été recueilli l’échantillon
1. D’après le MAPAQ, les quantités d’écrevisses capturées ne sont pas assez constantes en quantités pour répondre aux demandes d’un transformateur et du marché. La plus grande quantité des écrevisses est vendue directement par les pêcheurs à partir de leur entreprise de pêche. La vente des écrevisses se fait directement par les pêcheurs.
2. Le type de substrat peut être composé de plusieurs caractéristiques, la première citée étant toujours la plus importante.
Ce projet est rendu possible par :
Environnement et Changement climatique Canada (Centre Saint-Laurent, Service Canadien de la Faune, Biosphère) et
Université du Québec à Trois-Rivières (Laboratoire du docteur Gilbert Cabana)